Difficile de s’y retrouver dans toutes ces définitions du coaching…

Paradoxalement, il me semble que ce qui dessert beaucoup le métier de coach professionnel ces dernières années c’est une sorte de « phénomène de mode » où le mot « coaching » est utilisé à toutes les sauces dans les offres… Je souhaite faire le point sur ce phénomène, alerter sur ce qu’il révèle et redorer si nécessaire le blason du coaching professionnel.

Selon une étude de l’ICF (« 2016 ICF Global Coaching Study »), pour 30% des coachs professionnels et des cadres/dirigeants formés au coaching les 2 premières inquiétudes concernant le futur du coaching, bien devant les autres raisons, sont : « les personnes non formées se proclamant coachs » (45%) et « la confusion du marché » sur ce qu’est le coaching (30%).

Le phénomène qui pose questions…

L’activité de « coach » continue son essor à travers des niches. Il est donc complexe d’extirper les raisons de cette progression car les études statistiques peuvent considérer pêle-mêle (ou non, d’ailleurs) : « coach agile », « coach sportif », « coach de vie », « coach professionnel ». Mais on voit aussi apparaître une volonté de différenciation sur le marché avec d’autres termes comme « facilitateur », « coach individuel », « d’équipes », « d’organisation », « coach hauts potentiels », « coach de dirigeants », « coach manager » (ou « manager coach » ?) et même « coach marketing », « coach d’affaires », « coach d’intégration », « coach nutrition », « coach scolaire », « coach recherche d’emploi », « coach politique », etc.

Bref… pour quelle raison je dresse une telle liste ? Pour montrer comment une simple recherche, en tapant le mot « coach » dans un moteur de recherche, peut amener une personne en découverte du sujet à détourner les yeux, lasse, et conclure : « Ok, le coaching ce sont juste des mots pour faire du business » ; avec un mouvement de recul, de la méfiance (et faire passer à côté de professionnels compétents). Et pourrions-nous honnêtement donner tort à cette personne d’éprouver un tel scepticisme ?

Mode…

Pourtant, contrairement à ce que nous pourrions percevoir derrière ces aspects marketing, le « coaching » dépasse le simple phénomène de mode. Les problématiques de « bien-être » (et même de santé, avec le burn-out) sont bien réelles dans notre contexte de productivité économique. Et les préoccupations liées à ces domaines ne font que s’amplifier depuis des dizaines d’années (les études, statistiques et alertes diverses se multiplient).

… ou besoin de fond ?

Vincent Lenhardt, un des pionniers du coaching en France dans les années 80, avance que, tout comme les scribes dans les civilisations qui nous ont précédées, il faudrait un coach pour 50 habitants (non seulement pour des responsables d’entreprises mais pour des directeurs d’écoles, des responsables d’hôpitaux, des responsables de vie associative, des responsables de collectivités locales, etc). C’est une vision à laquelle j’ai adhéré avant même de faire le cursus de formation de Vincent Lenhardt… mais pour autant, tout dépend de ce qui est partagé derrière le mot « coaching » (sens, valeurs, déontologie…).

Ruée vers l’or…

Toute bonne chose devient néfaste avec de l’abus : nous sommes nombreux à aimer les lasagnes… Profiterions-nous pleinement d’en manger tous les jours durant tout un mois ? Je peux donc comprendre les réticences associées au « coaching » quand les personnes se renseignant sur le sujet n’ont pas encore pu appréhender les multiples « courants » et « variantes » derrière ce mot. Car au cours des décennies, le « coaching » prend place un peu partout : de la compétition sportive, à la nutrition, à l’univers concurrentiel de l’entreprise, puis s’est étendu vers les relations familiales, la vie privée voire les relations intimes (!)… et même à la santé.

…et lassitude

Et j’y vois là une autre raison de la « ruée » vers le coaching, mais cette fois-ci du côté de « l’offre » : le marché est aussi grand que les besoins (conscients ou inconscients) et les demandes des clients. On retrouve des besoins communs bien entendu, et récurrents, mais chaque stratégie pour chercher à les nourrir est différente selon le client. Le marché peut alors être considéré comme sans limite, sans concurrence. Quelle aubaine !

Mais lorsque les personnes perçoivent ces multiples aspects du « coaching », cela ne fait probablement que renforcer la confusion et même les craintes, avec un côté « charlatanisme ».

Qu’est-ce que révèle cette vague du « coaching » ?

Des dérives, l’origine

Pour moi, les dérives sont liées principalement à un désir de l’Homme vers plus de performance, de pouvoir. Après l’augmentation des performances de son corps, l’être humain vise l’augmentation des performances de son mental (et la synergie avec son corps pour se dépasser et dépasser les autres). Et dans le milieu des entreprises, au nom de « l’optimisation », de « l’efficience », toujours plus de pression, de « challenge », est mise sur le triangle « qualité / coût / délai ». Débrouillez-vous mais il faut faire moins cher que les autres, proposer mieux… et, ah oui, c’était à faire pour hier ! Non, déstressons voyons, soignons la communication : c’est juste « ASAP » (terme répandu dans les mails en entreprise pour « As Soon As Possible »). Et pour assurer la réactivité ? Il suffit de mettre « urgent » en titre de message, non ? Ou alors « prioritaire »… mais prioritaire pour quoi ? pour qui ?

Une fausse modernité

J’y vois une alerte sur la dérive vers un coaching au service du « tout économique », de la toute-puissance, du « plus de contrôle », « plus d’auto-contrôle » même avec une touche de culpabilisation (remettez-vous en question voyons… vous n’êtes pas assez efficient). Cette tendance s’inscrit dans la « modernité », l’innovation, le progrès… A présent, il y a l’engouement pour les neuro-sciences et même le « coaching 2.0 ». Vivement la mise à jour vers le « coaching 2.1 » ! Mais où est donc la prétendue modernité, après plusieurs milliers d’années, quand le principe reste de « gagner contre ses adversaires » (et même de « gagner contre soi-même ») ? Quel est le sens ? Le sens pour chacun ?

Quelle est l’intention ?

Est-ce que le coach est au service de l’intérêt (déguisé) du donneur d’ordre, du financeur ? Lui vend-il encore « plus de performance » tandis qu’il s’adresse aux bénéficiaires des séances (ses véritables clients) en leur vendant « plus de bien-être » ? Il est essentiel de bien marquer les frontières entre la vie professionnelle et la vie privée, le personnel et le collectif. Pour Co’Delta, il s’agit bien de donner la priorité au développement personnel des individus, à leur valorisation (qu’ils soient dirigeants ou employés), afin qu’ils puissent détecter et préciser ensuite par eux-mêmes leurs besoins communs. Ce n’est pas l’inverse qui serait de faire « coller » les objectifs de chaque individu avec ceux de l’entreprise au nom de « l’intérêt commun », de la « vision commune » (déviant alors trop facilement et uniquement vers la « rentabilité »).

Intention & performance

Mais il est difficile pour l’entrepreneur-coach de résister aux sirènes voulant le persuader que le « bien-être » du collaborateur serait intimement lié à la rentabilité de l’entreprise. Moi-même j’avoue avoir joué avec le marketing en laissant en titre de la page d’accueil de Co’Delta « Quand les collaborateurs sont épanouis, les organisations sont performantes ! ». Mais qu’est-ce que je veux dire par « performantes » ? Pour moi cela signifie d’aller vers plus d’efficacité : avoir un bon usage de son temps et de son énergie tout en étant en accord avec ses valeurs et ses objectifs (ce qui est tout à fait compatible avec le fait de gagner plus d’argent puisque l’argent est un moyen pour …).

Alors quelle est l’intention du dirigeant pour lui et son entreprise ? Quel est l’intention du dirigeant vis-à-vis de son employé à qui il propose du coaching ? Que mettons-nous derrière le mot « performance » ? Voulons-nous grossir et/ou grandir ?

Une crise de sens

Finalement, c’est fondamentalement une crise de sens (et de nos valeurs) que cet engouement pour le « coaching » met en évidence. Avancer, oui ! Il est fondamental d’éprouver du désir pour avancer… mais avancer vers quoi ? Tel un vieux disque rayé, génération après génération, le piège serait un message caché qui nous intimerait à chacun de chercher l’ennemi et de gagner en performance pour vaincre cet ennemi. A présent, insidieusement, le message murmuré à l’oreille est que l’ennemi serait nous-mêmes. Et qu’il faudrait nous améliorer, nous upgrader, pour le bien du collectif, de l’organisation, de la société.

Pourtant, au fond, il s’agit bien paradoxalement de progresser pour gagner un grand pouvoir : le pouvoir de sortir du contrôle et de se reconnecter à ce qui nous fait nous sentir vivant, plein d’énergie.

 

Enjeu & vigilance

« To coach » signifie « entraîner », « motiver », « accompagner » et c’est à l’origine un mot français « coche » qui désignait au XVIème siècle une voiture tirée par des chevaux et conduite par un cocher. Le coach, c’est donc celui qui fait avancer les voyageurs.

J’ai voulu alerter avec cet article sur le côté « Fouette cocher ! ». Comment ? Fouetter le « coaché » ? Et même… lui demander de se flageller ?

Consciemment, la grande majorité des coachs (moi le premier) s’en défendront car ce n’est certainement pas avec cette vision là qu’ils sont devenus coachs ! Mais sommes-nous vraiment sûrs de ne pas participer à un système d’amélioration allant vers du « pouvoir sur » plutôt que vers un « pouvoir pour » ? Avons-nous assez d’expérience et la possibilité de prendre assez de recul notamment quand nos propres besoins de sécurité ne sont pas satisfaits (la sécurité matérielle avec l’argent, par exemple) ? Il ne faut jamais dire : « fontaine, je ne boirai pas de ton eau »… et il ne faut jamais dire « jamais ».

Alors quelle définition retenir du coaching ?

Un prestataire est directement dans le « faire ». Un formateur aide à « faire » grâce à de la transmission de savoirs. Un expert-conseil se rapproche d’un coach car il insuffle lui aussi du mouvement… mais c’est à l’aide de solutions innovantes, de préconisations. J’aime la définition courte d’Arnaud Cielle (dans son livre « Consultant – se lancer, réussir et durer ») : « Le coach est celui qui est le plus dans le « faire faire ». L’essentiel du savoir-faire du coach : aider son client à trouver les solutions qui sont en lui ».

Cependant, je souhaite ajouter que le coaching est également une « posture » qui englobe du savoir-être au service des besoins du client mais aussi du coach. Le coaching permet de mettre en place un espace de travail qui invite les personnes à se dépasser, à dépasser leurs peurs, leurs croyances, pour être à l’écoute de leurs besoins tout en avançant vers leurs rêves. Le rêve n’est pas un objectif, il est un moteur pour se focaliser sur ses besoins profonds et s’épanouir.

En entreprise, cela passe nécessairement par nourrir les besoins de valorisation et de contribution, ainsi qu’être en cohérence avec le sens qui a été défini en collaboration…

En savoir plus sur l’approche coaching de Co’Delta