Ou… Le désir en travail !
Entretenir la motivation est un casse-tête récurrent dans les entreprises et notamment une préoccupation souvent prioritaire dans les services RH ; en lien avec la fidélisation des collaborateurs.
Conserver la motivation est d’abord une responsabilité propre à chacun. Et c’est aussi la responsabilité des managers de veiller à mettre en place des conditions de travail pour favoriser la motivation de leurs collaborateurs.
Parlons donc de motivation… de ma motivation déjà ! En écrivant cet article, je souhaite partager du mieux que je peux un paradigme qui change ma vie dans tous les domaines. C’est la compréhension de la notion de « désir » et son impact au quotidien.
Amusant ce mot je trouve… car je me raconte qu’il peut vous être surprenant d’associer les mots « désir » et « travail ». Tout du moins, il n’est pas très courant de rassembler ces mots dans le contexte professionnel. Et pourtant, ce qui me surprend moi c’est que ces 2 mots ne soient pas davantage associés. Car ils constituent un socle essentiel pour notre bien-être ! Nous passons tout de même 15 à 23% de notre vie éveillée au travail…
Qu’est-ce que le désir ?
Le désir est une émotion d’anticipation, au même titre que la peur. C’est même son exact opposé. Là où la peur est une anticipation de la douleur, le désir c’est anticiper du plaisir et s’en réjouir d’avance.
Le désir est donc une origine de motivation. Tout comme la peur ! Nous pourrions dire qu’il s’agit de sources de motiv’action car le désir et la peur nous font faire des choix d’actions. Il est impossible de ne pas choisir.
Face à la peur, nous pouvons opter pour 3 possibilités : se figer, éviter ou attaquer. La peur étant subjective, un danger réaliste (pour notre intégrité physique et psychique) est bien loin d’être la majorité des cas. En effet, notre perception nous joue généralement des tours car elle est impactée par nos jugements, notre imaginaire et nos émotions au détriment des faits « purs », observables.
Ceci pourrait faire l’objet d’un article complet. Je veux juste souligner que ces 3 possibilités peuvent difficilement être associables à du bonheur (ou bien-être) hormis quand nous sommes réceptifs à l’information fournie :
- Quand l’instinct de protection est au service de la vie ;
- Quand la conscience de notre peur nous motive (désir) à aller vérifier nos perceptions…
Alors qu’en est-il du désir ?
Le désir est manque
Le désir provoque également une mise en mouvement (d’ailleurs peur et désir sont indissociables, comme la vie et la mort). Ce qui est remarquable c’est qu’il n’y a pas de désir sans manque. Platon (dans « le banquet ») fait s’exprimer différents personnages à propos de l’Amour et du désir ; dont Socrate qui fait remarquer : « En effet, il y a désir de ce qui manque, et il n’y a pas désir de ce qui ne manque pas. »
Le manque est ce qui fait avancer un être humain d’un point A à un point B, ce qui le motive. Le manque (le désir pour Platon) est une tension. C’est une aspiration vers un futur qui répond à une attente. Cette attente étant de combler le manque.
Il n’y a pas de désir sans manque.
Le désir est puissance
Pour Spinoza, « Le désir est l’essence même de l’Homme. Le désir est puissance ». En cherchant à combler un manque, le désir est une étincelle initiale, une im-pulsion. C’est une énergie (l’énergie fossile de l’Homme pour clin d’œil à la citation), ou une puissance (si on prend en compte l’aspect temporel), que nous avons tous hérité de part notre naissance.
C’est une chance et une responsabilité de savoir quoi faire de cette puissance confiée.
Le dilemme du manque
Le paradoxe lié au manque est que lorsqu’on le comble, le manque n’existe plus. S’il n’y a plus de manque alors il n’y a plus de désir. Et le mouvement prend fin. Aussi, la vision de Schopenhaeur était que « toute notre vie oscille de la souffrance (le manque répétitif) à l’ennui (quand j’ai, je ne désire plus). »
Pas très motivant, si ? 😅
Et au travail ?
Au travail, nous venons tous pour le même manque : l’argent.
Est-ce suffisant pour notre bien-être ? Il est facile de répondre que non. D’où l’adage « l’argent ne fait pas le bonheur ». De nombreuses études existent sur le sujet. Notamment une évaluant que, un certain temps après, le niveau de bonheur des personnes ayant gagné au loto est équivalent à celui des personnes ayant vécu un grave accident rebattant les cartes de leur vie.
Le système du salariat repose sur ce principe simple de désir et de peur… Si l’entreprise vous donne un salaire très conséquent, il n’y a plus de manque et donc plus de désir de travailler. L’entreprise y perd puisque vous n’êtes plus motivé. Et si au contraire, elle ne vous paie pas suffisamment, elle vous perd puisque vous pourriez aller voir ailleurs proposer vos compétences (voir la vidéo en fin de cet article).
La notion de « salaire suffisant » étant très relative à chacun et mouvante, cette seule vision est donc un casse-tête sans fin pour la direction des entreprises afin de motiver les collaborateurs.
Le piège du manque
Si le désir était seulement « puissance », cela nous faciliterait bien le quotidien car nous serions facilement motivés. Alors focalisons nous sur le manque… 😉
Je fais ce jeu de mot car si nous nous focalisons sur le manque, nous passons notre temps dans l’insatisfaction, la frustration. En fait, cela ne nous rend pas heureux car nous focalisons notre attention sur « l’objet du manque ». « Objet du manque », en psychologie, peut désigner une « chose » mais aussi : une personne (dans les relations, notamment amoureuses, on parle d’objectiver une personne), ou bien un lieu, un moment, ou encore, une action particulière.
En Communication Non-Violente (CNV), il y a la notion fondamentale de besoin (voir le livre principal de Marshall Rosenberg : « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)« ). Un besoin est universel, c’est-à-dire que n’importe quel être humain sur cette terre peut l’éprouver. Et un besoin n’est pas relié à une action spécifique, ni à une personne en particulier, ni à un objet, ni à un lieu ou même un moment.
Le piège du manque est donc le suivant : confondre « besoin » et « objet du désir ».
- Le besoin est un manque… (il n’est ni une personne, ni une action, ni un lieu, ni un moment, ni un objet)
- … mais le manque n’est pas forcément un besoin : il peut être un « objet de désir » (objet, personne, etc.).
Un simple exemple
Quand vous allez faire une pause avec vos collègues, vous pourriez dire « Allez, pause ! J’ai besoin d’un café ! ». Il y a matérialisation dans la langue Française du piège. Vous n’avez pas besoin d’un café. Vous avez envie (désir) d’un café pour combler un manque (besoin). Quel est ce besoin… ? Hydratation ? Relaxation ? Douceur ? Chaleur ? Convivialité ? Repos ? Partage ? etc.
Si votre besoin est par exemple « le partage » ou « la convivialité », vous n’avez aucunement besoin d’un « café » (ou « thé » ou « cigarette »…). L’objet est un argument, prétexte, voire excuse, pour pouvoir vivre du « partage » avec d’autres personnes.
Qu’est-ce que cela change ?
Tout !
Le désir nous informe d’une aspiration, de conditions de satisfaction, de valeurs, d’un besoin…
Plutôt que de vous focaliser sur le manque apparent (le café) et la frustration ne pas pouvoir en bénéficier (la machine à café est en panne par exemple), vous pouvez identifier et vous focaliser sur votre besoin. Car pour un besoin spécifique, il y a 36000 façons de le satisfaire. En CNV, il est coutume d’appeler cela des « stratégies ».
Bien sûr, ce ne sera peut-être pas votre « stratégie préférée » mais n’est-ce pas l’occasion idéale de découvrir une autre stratégie pour nourrir votre besoin à l’instant présent ?
Entretenir le désir
Pour entretenir notre énergie / puissance, notre motivation, il s’agit donc d’entretenir notre désir. Il est possible de faire cela aussi bien avec le schéma A qu’avec le schéma B…
Schéma « A » : Logique « carotte ou bâton »
Dans le cas A, il y a risque de lassitude avec l’accumulation des frustrations. Car il est courant de se concentrer sur un « objet de désir » avec l’hypothèse ou l’espoir d’un plaisir… mais cela sera-t-il suffisant si nous n’avons pas pris le temps de nous recentrer sur nos besoins essentiels ? Il y a peu de chance.
Cela vaut dans tous les domaines de vie : travail, couple (l’expression « entretenir le désir au sein du couple » revient souvent), famille, finances, relations sociales, santé, état d’esprit et même spiritualité.
Schéma « B » : Logique de responsabilisation face à l’insatisfaction
Dans le cas B, il s’agit de nous concentrer sur la nature de notre manque. « Manque » non plus comme « objet » mais en tant que « besoin ». Il est donc fondamental de travailler sur la question « Quelles sont mes valeurs ? ». C’est-à-dire : quels sont les besoins prioritaires dans ma vie que je souhaite nourrir ?
Ainsi, connaissant l’origine de notre satisfaction, nous pouvons consciemment mettre en place des stratégies qui nous permettent de la nourrir le plus possible dans notre vie.
Cas A ou cas B ?
Les deux… Mon discours n’est pas de prôner que la vision A serait meilleure que la vision B.
Si j’ai envie d’une glace à la pistache, pourquoi donc me compliquer la vie ? Je vais me procurer la glace désirée. Et c’est complètement OK.
La vision B sera utile dans le cas suivant : s’il m’est impossible de me procurer cette glace tant désirée… Qu’est-ce que je fais ? Je bougonne, râle comme un enfant qui, à son âge, ne peut encore voir que le plaisir immédiat ? Et jusqu’à quand ?
Identifier le besoin derrière le moyen que constitue cette glace me permet de prendre ma responsabilité d’adulte en cherchant une autre façon de faire. Bien sûr, cela ne m’assure pas de trouver une solution mais, avec l’expérience, en grandissant, la probabilité de trouver satisfaction augmente significativement.
Et si je ne trouve pas satisfaction ? Alors j’ai au moins intégré le besoin en manque. J’ai la conscience de ce que j’aime vivre. Je peux me focaliser sur « ce que j’aime » (et chercher des stratégies) et non sur « ce qu’il me manque » (sans comprendre le besoin, le sens vital caché).
Une comptabilité du bonheur
André Comte-Sponville : « Être heureux au travail c’est se réjouir de faire ce métier-là, dans cette entreprise-là, avec ces gens-là. »
On retrouve donc ici différentes « stratégies ». Elles peuvent nous réjouir si elles nourrissent nos besoins (au sens de la CNV).
Elles nous réjouiront de façon entretenue si nous avons conscience des besoins nourris et que nous allons à leur rencontre.
Car, plus important, les quelques besoins prioritaires de notre vie constituent nos valeurs. Et pour que notre « bilan comptable bonheur » soit dans le positif, il est nécessaire d’être conscient de ces valeurs afin de chercher à les nourrir le plus possible au quotidien. C’est là que réside le sens. Le sens au travail et, plus largement, le sens dans la vie (le « Pourquoi » nous faisons les choses).
Le choix des stratégies (le « Comment ») est tout aussi important puisqu’à quoi bon emprunter un chemin si celui-ci ne nous apporte pas du plaisir ?
On retrouve la définition du bonheur que j’affectionne, de Tal Ben-Shahar, dans son livre « l’Apprentissage du Bonheur » :
« La sensation globale de plaisir chargée de sens grâce à l’investissement personnel ».
Le désir au travail
André Comte-Sponville explique dans cette vidéo :
« Un dirigeant, un cadre, un responsable est un professionnel du désir de l’autre. « Professionnels du désir des salariés », c’est ce qu’on appelle le management… »
Si le management utilise uniquement la vision A, j’ai bien peur que cela soit une impasse systématique sur le long terme. Elle peut « suffire »… cela dépend des ambitions de l’entreprise.
En utilisant la vision B en plus, c’est-à-dire en consacrant du temps à identifier et à nourrir les besoins des salariés, alors la probabilité de satisfaction et de performance dans l’entreprise augmentera significativement.
Et le coaching professionnel dans tout ça ?
Dans cet article de Cairn, j’aime cette phrase de synthèse :
« Le besoin comme désir d’être et de se réaliser est une nécessité comme un « faire-avancer » ».
Je parlais d’ambition de l’entreprise dans le paragraphe précédent… Quelles sont les ambitions de la direction ?
Parler des « ambitions » revient à parler des « désirs »… donc des aspirations/rêves, besoins et valeurs. Le leadership repose sur une reconnaissance et une conscience dans l’application quotidienne de stratégies afin de nourrir ces valeurs. Par cette exemplarité, il est possible de fédérer et de motiver ses collaborateurs qui se relieront à un sens compris et partagé.
Le coaching professionnel est un moyen, une stratégie dédiée spécifiquement, à l’accompagnement des personnes et des structures afin d’identifier le sens et de le déployer.
Les personnes qui mettent leurs désirs et leurs besoins de côté pour éviter de déranger ou d’être déçus sabotent inconsciemment leur vitalité.
Vos désirs, vos besoins… Ils n’appartiennent qu’à vous ! Les connaissez-vous seulement ?
En savoir plus sur l’approche coaching de Co’Delta